TENGU...

une école... une voie... un concept...

sur fond d'une figure de légende...

Cette interview est parue dans la revue « Art et Combat » N°3, mars 2009. Shihan Habersetzer y communique l'idée que les pratiquants d'arts martiaux classiques (Budo, Wushu), devraient avoir de sa « Voie Tengu ». Elle complète les précédentes interviews qui étaient parues dans la revue « Commando » N°32, décembre 2007 (à l'occasion de la sortie de son livre « Tengu, ma voie martiale ») puis « Commando » N°37, octobre 2008 (à l'occasion de la sortie de son livre « Self-défense pratique ») et qui s'adressaient à ceux qui étaient concernés par une problématique martiale hors des Dojos traditionnels (communications également lisibles sur ce site). L'ensemble des publics concernés par les trois domaines de compétence du « Système Tengu » (Tengu-no-michi) a ainsi été interpellé. Que faire de plus pour que « les arts martiaux authentiques reprennent leur rang, en s'enrichissant de nouveaux vécus pour continuer d'exister dans le " temps réel "... » ? On ne pourra pas dire que l'on n'était pas au courant : C'était là le but de ces communications en rafale... Le reste concerne maintenant l'Histoire...

Rencontre avec Sensei ROLAND HABERSETZER

Il est haut gradé de Karatedo (Hanshi) des écoles japonaises Gembukan (de feu Maître Tsuneyoshi Ogura) et Gojukensha (de Maître Tadahiko Ohtsuka), après déjà 52 ans de pratique et d'engagement sur cette voie martiale qu'il a su si bien décrire et faire aimer par les innombrables lecteurs d'une oeuvre éditoriale exceptionnelle. Dans ses près de 80 ouvrages publiés depuis 1968, de la technique à l'histoire, du roman aux analyses et prises de position, du premier à son dernier manuel pratique, Roland Habersetzer est resté sans compromission dans le message éducatif qu'il a voulu y faire passer. Il est depuis 2006 Soke de son propre style de Budo, « Tengu-no-michi », au Centre de Recherche Budo-Institut Tengu qu'il dirige à Strasbourg et où il continue d'accueillir en rares stages les passionnés de l'art de la « main vide » (www.tengu.fr). Le personnage, qu'il suscite l'adhésion ou qu'il irrite, fait indiscutablement déjà partie de l'histoire des arts martiaux dans notre pays et des experts qui l'y ont construit jour après jour.

« Tengu » est aujourd'hui un nom connu, plus connu encore depuis la diffusion en France de nombreuses Manga ou bandes dessinées qui le reprennent dans leurs titres, et les mettent parfois en scène. Après les Samouraï, les Ronin, puis les Ninja, voici que les Tengu, ces créatures mythiques de l'ancien Japon, mi-hommes mi-oiseaux, combattants redoutables et inspirateurs au cours des siècles passés de tant de fondateurs d'arts martiaux, qui disaient les avoir rencontrés au fond d'une forêt reculée au détour de leurs Mushashugyo (1), voici donc que ces Tengu font désormais partie du paysage martial de plus en plus de pratiquants. La culture Budo s'est élargie, et c'est tant mieux... Roland Habersetzer a parlé de ces Tengu depuis fort longtemps dans ses ouvrages historiques et il a fini, en 1995, par choisir ce nom là pour définir sa propre conception de pratique martiale. « Art et Combat » est allé à sa rencontre pour en savoir plus.

Art et Combat: Nous savons depuis des années que votre style de pratique, à base de Karatedo notamment (2), est devenu une « Voie Tengu » (Tengu-no-michi), mise à la portée de qui veut la découvrir au cours de vos stages de Strasbourg ou dans votre livre récent « Tengu, ma voie martiale » (Amphora), qui la définit avec une épaisse argumentation. Pouvez vous nous résumer cette orientation ?

R.Habersetzer : C'est une autre manière de se comporter avec une technique martiale... Je commençais à ronronner doucement dans ma pratique du Karaté, à y vieillir en répétant inlassablement et avec application une gestuelle classique, parce que j'ai cru longtemps que la Tradition seule devait être parée de toutes les vertus... Et puis, au détour de nouvelles expériences, j'ai fini par me poser les questions qui m'ont élargi l'horizon de manière inespérée : qui étaient vraiment tous ces « maîtres » (que nous voyons trop souvent déformés par le prisme de nos spéculations mentales actuelles), crédités d'une intelligence et d'une habileté supérieures, produits d'une époque lointaine si peu en phase avec les interrogations, les besoins et les charges d'une société actuelle ? Comment les percevoir encore, alors que nous voyons notre temps s'accélérer chaque jour, avec cette incroyable pression que subit l'être humain pour le faire rentrer dans un certain « format » dans une société dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle ne va pas vraiment bien... ? Ces anciennes figures de proue des arts martiaux n'ont-elles pas toutes, toujours, agi dans le même sens, se rejoignant fort intelligemment dans le même message, avec tous les moyens que leurs époques mettaient à leur disposition : prendre de partout et réaliser leur propre synthèse pour faire passer un « essentiel » à travers la codification d'une technique, qui ne devait être qu'un outil permettant de « réaliser » à un tout autre niveau ? Et le message le plus précieux de la Tradition n'est-il pas contenu dans cette évolution « Shu-Ha-Li » ? (3). Qui n'arrête pas de nous dire qu'il faut, un jour, casser le moule, celui à l'abri duquel on a grandi, pour en réaliser un autre, le sien, où viendront grandir d'autres pélerins désireux de s'élancer sur la route, avant de s'en affranchir à leur tour ? Après mes premières 40 années de pratique sans surprise, j'ai osé penser qu'il pouvait y avoir une autre vie Budo, après un certain Budo...

A.C. : Vous êtes donc toujours dans le Budo...

R.H. : Mais... plus que jamais ! J'ai simplement tenté d'intégrer dans ma démarche tout ce que j'ai pu apprendre de l'ancien et tout ce que j'ai découvrir dans le martial actuel, que je n'ai pas hésité à chercher ailleurs que dans un dojo. J'avais 52 ans lorsque je fus confronté à une certaine réalité de terrain qui m'a laissé songeur sur la longue « mise en conformité Budo » que j'avais subie et qui m'avait valu un grade déjà élevé, mais qui me parut de peu de secours, une fois que je me trouvais brutalement propulsé hors de mon « cocon » Budo traditionnel... J'ai vite compris. Et décidé que je n'allais pas en rester là. Parce que, ce fut évident, ma pratique « martiale » classique avait peu de rapport avec ce que le qualificatif recellait vraiment. Ce fut une prise de conscience brutale, mais j'avais encore l'énergie nécessaire pour rectifier tout cela. J'ai aussitôt reconstruit depuis la base ce que j'ai appelé « Voie Tengu », dans laquelle je situe ma pratique depuis ces 15 dernières années, définie comme une vraie voie martiale, qui s'inscrit dans un Budo si pur et si dur, sans compromis aucun avec le ludique ni le sportif, qu'elle a de quoi choquer ceux qui ne veulent pas comprendre quel est le véritable enjeu de leur gestuelle. Dans la mesure où, techniquement, le concept Tengu peut convenir à partir de l'usage de toute technique de combat (Bugei), il est un Sogo-Budo, un Budo de « synthèse ». Mais ce n'est pas là son originalité (il y en a bien d'autres synthèses, aussi valables). L'essentiel, et la spécificité, est la démarche, et là il est vraiment un Shin-Budo, un « nouveau » Budo ! Comment se comporter avec la technique, aujourd'hui, voilà une vraie interrogation actuelle. Et un défi aussi bien technique que mental.

A.C. : On vous a encore vu développer dans nos pages Rokkishu-no-kata, et d'autres choses vont paraître ici, où vous retournerez aux origines de l'art martial... Comment situez vous exactement Tengu dans ce panorama ?

R.H. : Vous avez raison, Tengu ouvre sur un pannel très large, d'amont (le plus loin, aux sources de ce que nous pratiquons aujourd'hui) en aval (et même en anticipant sur demain...). C'est pour cela que d'y cheminer nécessite un investissement total, sans espérer de « retour sur investissement », comme on dit, puisqu'il n'y a pas de quittance par le biais sportif ou ludique... Faire à fond quelque chose qui ne sert (qui ne devrait servir...) à rien, en 2009... c'est incompréhensible, parce qu'à l'opposé du discours habituel de compétition, d'affrontement et de classement des individus. « Vaincre sans convaincre n'est rien » (de Jigoro Kano, fondateur du Judo) et « Le Karaté est un instrument de justice » (de Gichin Funakoshi, père du Shotokan) sont deux lignes de pensée (et modes opératoires) qui se retrouvent dans Tengu-no-michi, une vision de la vie, bien au-dela de celle d'une simple pratique, juste entre le temps de revêtir un Keikogi ou un survêt et celui de passer à la douche...

A.C. : Entre le sportif, le tout compétition, le traditionnel, les multiples systèmes de défense revendiquant l'efficacité que n'a pas (ou plus, dites vous) le traditionnel, vous êtes inclassable...

R.H. : Je ne sais pas, mais cela ne me pose aucun problème existentiel... Je suis tout simplement dans mon registre de conception de l'art martial authentique, c'est à dire qui a un sens, et l'ai été depuis la première ligne que j'ai écrite sur le sujet dès, oserais-je encore le dire,... 1968 ! Trouvez moi quelque part en contradiction avec l'un ou l'autre de mes écrits ! On peut ne pas aimer ce que je suis. Ça, je peux le comprendre. Mais on ne peut pas ne pas l'aimer pour une image que je tenterais de donner aujourd'hui, pour suivre une mode ou un besoin quelconque, et qui serait différente de celle derrière laquelle je me suis toujours tenu et que j'ai toujours clairement annoncée. J'ai toujours été « droit dans mes bottes »... Intraitable... Désolé pour ceux qu'une telle position peut gêner !

A.C. : Vos interventions, vos stages, vos écrits, évoquent clairement un Tengu-ryu Karatedo et Kobudo. C'est donc un style ?

R.H. : Il y a d'abord l'école, où sont dispensés les fondamentaux de ce qui est désormais ma conception martiale pour un monde actuel. On y apprend la manière d'appliquer une technique individuelle de combat (la mienne reste à base de Shotokan et de Wado-ryu, mais cela peut être n'importe quelle technique à main nue), un enseignement très vite accompagné de préceptes moraux (Ryugi) qui sont ceux de toutes les écoles traditionnelles : sens de l'effort et de la minutie, respect des anciens, sens de la responsabilité et du devoir, message de paix à travers une violence éduquée... Tengu ne veut délivrer une arme de combat que si celle-ci est assortie d'un code d'utilisation. Au-delà de cette première approche, une fois ces repères et critères bien intégrés et « diffusés » dans la vie quotidienne, la pratique devient Tengu-no-michi, la « Voie Tengu », qui est un regard sur la vie, une philosophie. Tengu est un cheminement qui est en soi déjà une réalisation, jour après jour, non l'attente d'un hypothétique Satori qui pourrait survenir à mesure que l'on s'approche, biologiquement, de la fin du parcours... Tengu-no-michi appelle à vivre l'harmonie même dans les pires situations d'affrontement, « ici et maintenant », sans jamais tourner le dos à un rappel de réalité (combat total) sous quantité de prétextes. Tengu est effectivement d'abord une école (Ryu) de pragmatisme (survivre à une situation extrême, qui nous a été imposée), pointant sur une voie (Do, Michi, Tao) d'harmonie intérieure, car s'ouvrant dès le départ sur tout un concept de vie, plus large, absolument pas limité au cadre du Dojo... Il n'est pas à proprement parler un nouveau style technique, ce qui serait retomber dans l'erreur classique de ce genre de tentative et en donnerait une image très réductrice.

A.C. : Vous n'avez jamais caché votre opposition à la compétition en art martial. Comment conciliez vous cette position et cette sensibilisation au réalisme brutal d'un type d'affrontement auquel vous faites souvent référence ?

R.H. : Ce n'est pas incompatible. Parce que même la « fureur » d'une compétition n'a strictement rien à voir avec un affrontement où l'enjeu est la survie, rien que la survie, et où l'on se trouve bien seul, sans arbitre ni public... Mes T.I.D.P. (Techniques Intégrées de Défense Personnelle) sont tout un concept de terrain convenant aussi bien en dojo (si l'on désire y aller au fond des choses) qu'à un usage professionnel (plus proche des Goshin-jutsu, Heifuku-kumiuchi, ou Shomin-yawara (3), ces techniques de défense en « tenue ordinaire », de la période japonaise Meiji). Je le dis depuis toujours. Je suis heureux de constater aujourd'hui que ce discours apparaît tout doucement, encore timidement, même chez des maîtres japonais et chinois qui s'expriment ici ou là, parfois dans vos pages... On y viendra ! Et puis, je sais, autre chose embarrasse, voire choque, certains, dont je ne fais d'ailleurs pas mystère : « Comment...? Habersetzer, le « chantre de la Tradition »..., il fait du tir de combat !? ». Mais... au Japon, le Ho-jutsu (technique des armes à feu) était un art martial codifié (ainsi l'Inatomi-ryu), d'ailleurs directement à l'origine d'une efficacité de terrain qui a bouleversé son histoire, et s'il n'est plus possible aujourd'hui de l'enseigner dans ce pays c'est parce que c'est... interdit, ce qui ne veut pas dire pas inintéressant !! Les civils Japonais n'y ont tout simplement plus accès ! J'en connais même qui nous envient... Quant aux nouveaux besoins d'une orientation de police pour les techniques classiques de son école, Tagagi Shimizu (1894-1978) a-t-il fait autre chose que de s'en préoccuper ? Voyez sa méthode d'usage du bâton télescopique, le Tokushu Keibo Soho : elle n'a pas été une tache dans son Shindo Muso-ryu classique ! Il faut arrêter d'être plus royaliste que le roi. Par manque d'ouverture d'esprit, par confort et refus du réel. Arrêter de toujours rentrer la tête dans les épaules en attendant que ça passe. Le concept Tengu n'est pas une soudaine lubie de ma part, mais une identité martiale définie après 40 ans de recherche, tout à fait conformément à l'enseignement traditionnel sur la Voie, et grâce à la chance qui me fut donnée d'avoir accès à un domaine quelque peu tabou pour beaucoup. Cela n'affole, et n'agace, que les frileux, repliés sur des positions qui les arrangent parce qu'elles leur évitent de se remettre en question. En apprenant à gérer une situation d'affrontement, le concept Tengu donne accès à une violence de riposte contrôlée (basée sur une forte réactivité). Tengu est là pour sauver des vies, la sienne et celle des autres. D'abord. Mais Tengu contient aussi tous les ingrédients pour gérer un tel stress sans pour autant s'écarter de la Voie de l'Homme. Tengu a dix ans d'avance sur les besoins d'une société qui ne veut plus de la brutalité simpliste, pour ne pas dire primaire, de méthodes de défense et de contraintes moyenâgeuses. Quand on s'en rendra compte, on finira par admettre que j'ai exprimé dans ma démarche le plus grand respect pour la Tradition (il y a un Tengu-no-kata, ce qui est l'affirmation d'une démarche classique : la création d'un canevas à transmettre) et les maîtres qui l'avaient transmise jusqu'à nous... Non, l'esprit de compétition n'a rien à voir avec l'esprit du combat réel. L'esprit de compétition ne m'intéresse pas. Parce qu'il ne fait pas partie de la problématique authentiquement « martiale ». Rien à voir avec ce que je veux faire, enseigner, transmettre. Tengu, c'est « ne pas se battre, ne pas subir », avec tout un monde contenu au niveau de la virgule... Cela interpelle. Cela doit interpeller... L'engagement dans un combat ne doit jamais apparaître comme procédant d'une décision innocente et banale. C'est au contraire une énorme prise de responsabilité. Et la notion de vie, et de mort, qui vient au bout, ne peut faire l'objet d'une « conversion » ludique. En aucune manière. Il faut arrêter d'être complice d'idées fausses et finalement coupables. Nos jeunes auraient besoin d'autre chose pour se construire dans le monde que nous allons leur laisser. Mais je sais bien que de m'acharner à vouloir enfoncer ce clou là peut irriter... « Avoir raison trop tôt est socialement inacceptable » m'apprenait il y a longtemps déjà un autre guerrier, hors des tatamis...

A.C. : Votre CRB-Institut Tengu n'est dans la mouvance d'aucune fédération. Pourquoi ne pas rejoindre une plus grande structure pour promouvoir votre idée ?

R.H. : J'ai écrit il y a très longtemps que l'avenir était dans une « atomisation des Budo » (je voulais exprimer l'image de la coexistence de petites cellules indépendantes gravitant librement dans un espace ouvert à toutes les sensibilités), seule garantie pour que leur esprit survive. Cela je l'avais compris dès l'époque où je militais à l'intérieur d'une fédération à vocation sportive dans l'espoir que l'on pouvait y faire évoluer les choses dans ce sens. Idée stupide. J'ai perdu un temps précieux. C'était pourtant évident : à chacun son rôle. Le monde sportif doit se plier à des impératifs de chiffres et de « résultats » qui n'ont jamais été mon problème. Il y en a qui font cela très bien, et le soleil doit briller pour tout le monde, non ? Pas de problème. Mais il faut aussi respecter tous ces « petits » Sensei indépendants et motivés hors d'un contexte sportif qui, dans leurs coins, font un travail social réel mais qui n'est absolument pas reconnu parce qu'ils n'amènent pas leurs élèves sur les podiums, et dont le charisme est absolument nécessaire dans une société qui va aller de plus en plus mal. Pour vous dire que je suis décidé à poursuivre ma route dans cet esprit là, juste avec ceux qui veulent m'y accompagner. Car il ne faut pas rêver : Tengu ne représente sûrement pas la conception de la majorité des « budokas » actuels (et c'est un euphémisme...), et ce que je dis, écris et montre, ne va toucher que ceux qui me suivent déjà depuis longtemps, persuadés de l'authenticité de la démarche. Mais si d'autres pouvaient avoir simplement connaissance de l'existence de cette « autre voie », de cet « autre choix » de pratique, qui pointe sur un horizon tellement ouvert, ce serait déjà bien !

A.C. : Vous avez toujours milité contre ce que vous avez appelé la « dérive sportive »...

R.H. : Non, pas toujours. Par honnêteté envers moi-même, j'ai fini par y être obligé. J'ai quand même construit le Karaté fédéral dans l'Est du pays, Alsace, Lorraine et Vosges dans les années pionnières 1960-1970, et j'y ai organisé les premiers championnats. Lisez mes « mémoires » (4) et vous comprendrez ce qui m'a finalement fait tourner le dos à une structure sportive dans laquelle j'avais tant milité... J'ai appliqué une vieille sagesse : « Si tu n'es pas d'accord avec quelque chose, fait quelque chose pour que cela change ». J'ai commencé à « faire » dès 1974, en me démarquant résolument de tout ce avec quoi je n'étais, décidément, pas d'accord !! En assumant depuis, à l'extérieur d'un système dont je ne me sens en rien responsable, et en me privant du coup de tout appui « officiel » (5). Cela ne m'a pas facilité la vie, le moins que l'on puisse dire, mais c'était le prix à payer pour mon choix, et au moins je peux me voir vieillir sans baisser les yeux quand je me rase.

A.C. : Vos livres ont marqué des milliers de pratiquants, sur plusieurs générations... Votre trace est incontournable...

R.H. : Rien, sinon la mort, n'est incontournable. Les gens, heureusement, sont libres de faire leur marché et de contourner l'étal sur lequel rien ne les attire. Mais je ne nierai pas un fait : des témoignages positifs me sont toujours arrivés après chaque publication ou prise de position, de bien des pays du monde. Beaucoup de pratiquants qui lisent mes « mémoires » retrouvent eux aussi des souvenirs, me les disent, me remercient. Vous savez, toute ma vie tourne autour de l'obsession du « martial »... à un point que peu de mes propres lecteurs imaginent. Même après 52 ans de pratique, je ne tourne pas la page Budo, parce que je ne peux imaginer, pour moi, une vie qui n'intègre fortement le Budo. Où il n'est toujours pas question que je m'en tienne au théorique... Vous me voyez vraiment entamer aujourd'hui une autre passion, courses hippiques, golf, billard, ou que sais-je encore, que d'aucuns pensent convenir mieux à une certaine respectabilité, après un certain âge...?! L'esprit du débutant (Shoshin), avec la passion, la sincérité et la volonté d'ouverture qui vont avec, m'habiteront jusqu'à la mort. Dans la vie quotidienne comme au Dojo. Et c'est un vrai bonheur...

 

(1) De longs développements sur « Tengu » comme sur « Mushashugyo », cette quête martiale des anciens Samouraïs et Ronin, sont présents dans l'ouvrage « L'Encyclopédie des Arts Martiaux de l'Extrême-Orient » de Gabrielle et Roland Habersetzer (Editions Amphora).

(2) Sensei Habersetzer est également diplômé moniteur de tir de combat, titulaire de nombreuses accréditations, ce qui lui donne une rare somme de compétence martiale ancienne comme moderne et fait de lui un Shihan, un maître d'armes au sens le plus traditionnel.

(3) Voir « L'Encyclopédie des Arts Martiaux de l'Extrême-Orient ».

(4) Les mémoires de Shihan Habersetzer sont à lire en exclusivité sur son site www.tengu.fr : « Il faut que je vous raconte...quelques souvenirs d'un demi-siècle de péripéties sur une voie martiale (1957-2007) ».

(5) Centre de Recherche Budo-Institut Tengu, 7b rue du Looch, 67530 Saint-Nabor, France.

 

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